Quelques mots de plus sur Luigi Cherubini ...


Le 24 avril 1814 est certainement une date importante dans la vie de Luigi CHERUBINI.

 

A l’issue de tractation compliquée, le Prince de Talleyrand Périgord, négociateur représentant la France au Congrès de Vienne, obtient l’accord des Princes Européens qui décident de replacer Louis Stanislas Xavier de France, comte de Provence et frère cadet de Louis XVI sur le trône de France.

 

Cette décision compliquée n’a pas été prise sans hésitations. Talleyrand, lui-même n’y est pas spontanément favorable. Divers candidats se sont affrontés : Napoléon II (l’Aiglon), Bernadotte (pourtant déjà Roi de Suède), et Eugène de Beauharnais ont été des candidats plus sérieux !

 

Le conte de Provence est un vieil homme, fatigué, malade (il est né en 1755 et a donc 59 ans ce qui est un âge respectable à l’époque, il est très diminué physiquement, et défaut majeur pour un roi, il n’a pas d’enfant et n’est plus en âge d’en avoir). Pire il agace l’Europe, et d’ailleurs sa première déclaration heurtera les princes, puisqu’il dira qu’en sa 21° année de règne, il rentre dans sa bonne ville de Paris. Il tente ainsi d’anéantir tout le passé Révolutionnaire et Impérial de la France et considère que son règne a débuté au jour de la mort de son neveu, l’éphémère Louis XVII.

 

C’est pourtant ce choix de l’apaisement qui sera retenu par le Congrès de Vienne.

 

A cette époque, Luigi Cherubini (ou Maria Luigi Carlo Zenobio Salvatore Cherubini), est un compositeur italien résidant en France depuis 1787. Il a donc fait la plus grande partie de sa carrière en France.

 

Il est une légende tenace qui raconte que Napoléon n’aime pas la musique. La chapelle des Tuileries est pourtant un centre de création musicale important. Une étude montre logiquement que le répertoire est dominé par les deux compositeurs officiels successifs, Paisiello et Le Sueur. Mais on interprète aussi des œuvres d’autres compositeurs, essentiellement de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles. Pour les compositeurs étrangers, rien d’antérieur à Pergolèse. Un peu de musique allemande, celle de Joseph Haydn, mais rien de Bach. Ce qui domine donc, c’est une musique peu savante dans la technique d’écriture, dominée par l’influence italienne, une musique où la mélodie prime, ainsi que l’effet.

 

Napoléon n’apprécie pas beaucoup Cherubini. En 1796, il a été nommé inspecteur de l'enseignement au tout nouveau Conservatoire de Paris. Jugé complexe et austère, il va attendre son heure de gloire loin des fastes de la cour, relégué à l’enseignement. Cherubini représente un style différent. Il a appris le contrepoint à Venise, il admire Haydn. Mais après des débuts en Italie dans la musique sacrée, il a échoué à l’opéra, et décide en 1807 d’abandonner la musique pour la peinture et la botanique. Ce n’est qu’en 1811 qu’un premier succès dans la Messe de Chimay (une commande privée du Prince de Chimay) le remet sur les rangs des grands compositeurs de son époque.

 

Pour Cherubini, l’arrivée au pouvoir de Louis XVIII est une aubaine dont il va profiter. En 1816, il devient surintendant de la chapelle de Louis XVIII. Il retrouve le Conservatoire, qu’il avait quitté pendant l’Empire, où il exerce comme professeur de composition, avant d'en devenir le directeur en 1822, fonction qu'il n'abandonnera que quelques semaines avant sa mort en 1842.

 

En 1819, il reçoit la commande de la cour d’une Messe solennelle en sol majeur, pour le sacre de Louis XVIII. Cette Messe va enfin lui permettre de montrer toute sa science de la composition. On l’a déjà dit, Cherubini est un admirateur inconditionnel de Haydn et de Beethoven, et plus simplement de la musique allemande.

 

Hélas, Louis XVIII renoncera finalement à se faire couronner, considérant qu’il est trop vieux, trop gros, trop impotent, et que la cérémonie du sacre serait ridicule. Le peuple et les pamphlétaires le surnomment d’ailleurs déjà « le Roi podagre », et lui-même s’appelle « le Roi fauteuil », par allusion à son célèbre fauteuil à roulettes qui lui permet de se déplacer aux Tuileries.

 

Cherubini se consolera en 1824 en composant une deuxième Messe du sacre pour le Roi Charles X, celle là bien utilisée à Reims, mais malheureusement, le dernier des Bourbon n’aura pas un règne très long, ni très glorieux.

 

En 1824, Cherubini cède à un commanditaire anglais et compose sa seule symphonie, créée à Londres un 1er mai.

 

C’est une œuvre dans la veine des symphonies de Schubert, et d’une moindre façon dans l’imitation des premières œuvres de Beethoven qui reste son idole absolue.

 

Après cela, Cherubini passe à la postérité, moins pour sa musique que pour des raisons dues à sa maniaquerie et à sa relative longévité. Les querelles qui l’opposent à Berlioz, racontées dans ses mémoires par ce dernier, de façon exagérément ridicule, en font un personnage acariâtre et sans grand talent.

 

Il faudra attendre le milieu du XX° siècle pour que sa musique retrouve vie et que Cherubini reprenne une place de premier plan dans l’histoire. Maria Callas, la première, va engager un véritable combat pour la faire rejouer et triomphera dans le rôle titre de l’opéra Médée. Elle y incarne une héroïne torturée, et terriblement humaine, qui doit affronter un destin effroyable. Depuis, l’opéra n’a plus quitté la scène. Parallèlement, Arturo Toscanini, le grand chef italien, décide en 1954 de recréer la Symphonie en Ré le 10 mars 1952 au Carnegie Hall de New York par le NBC Symphony Orchestra. Là encore c’est un succès. Enfin, au cours des années 1980, Riccardo Muti ressuscite la Messe du Couronnement de Louis XVIII et une grande partie de la musique sacrée de Cherubini (les deux Requiem, la Messe de Chimay, la Messe du Couronnement de Charles X).

 

Cette gloire posthume, nous vous laissons juge de sa pertinence.

 

A nous qui avons étudié dans les moindres détails cette musique, les beautés de l’écriture de Cherubini sont devenues familières et nous espérons que vous passerez en notre compagnie, un agréable moment. Contrairement à tous ses contemporains, Cherubini fait le pari d’une Messe solennelle pour chœur et orchestre sans l’appoint de chanteurs solistes. En soit, c’est déjà une rareté ! Laissez-vous emporter par la fougue de la Symphonie, par la supplication intense du Kyrie, par la majesté du Gloria, par l’allant unique du Credo, par la surprenante harmonie du Sanctus, ou enfin par le calme apaisant de l’Agnus Dei de la Messe.

 

Point d’artifices dans cette musique. Seuls l’art et la science du compositeur, en égales parts, fournissent des effets saisissants, et s’il est des modèles qui peuvent avoir inspiré Cherubini, (nous avons déjà cité Haydn et Beethoven, dont l’influence sont indéniables) c’est bien son talent, sa personnalité qui s’exprime et que nous essayons de faire vivre par nos instruments, par nos chœurs et par nos voix.